Y a-t-il une vache logorrhée sur la corruption en Afrique ?
Pour sa défense, Bolloré brandit l’existence de préjugés sur la corruption en Afrique, dont il serait victime par ricochet. Mais la corruption en Afrique n’est pas un mythe, ni un fantasme exubérant. C’est une réalité. En Afrique de l’Ouest, elle est tellement diffuse dans les mœurs qu’on peut penser qu’elle résulte d’un héritage culturel. Nul besoin d’être curieux ou de jouer au Colombo pour y voir un policier michetonner publiquement un chauffeur qui vient d’enfreindre le code de la route. Il y est normal de solliciter un proche ou un agent de l’Etat pour obtenir des documents administratifs apocryphes, un emploi ou des avantages non mérités. Un guinéen, un sénégalais, un malien ou un ivoirien qui est formaté dans ce système sociétal de corruption, ne se débarrassera pas systématiquement de son cortex corrupteur/corrompu, s’il devenait président de la république ou ministre dans son pays. Avec la pauvreté et le retard économique, la corruption s’est banalisée en Afrique : Elle est devenue une bouée de survie pour ceux qui tirent le diable par la queue et qui sont disposés à piétiner leurs valeurs morales. Elle est un raccourci d’enrichissement illicite pour ceux qui n’ont aucun scrupule à vampiriser un peuple déjà exsangue. Seuls le développement économique, l’émancipation de la population, son niveau d’instruction et d’avertissement sur les enjeux de l’Etat, et une justice indépendante feront reculer la corruption qui gangrène les Etats africains.
Le groupe Bolloré est présumé innocent jusqu’à ce que le contraire soit prouvé. Mais si la procédure judiciaire en cours révélait l’existence d’une corruption des gouvernements africains, ce serait une grave immixtion dans le jeu politique et une perversion de la compétition électorale en Afrique. Cela conforterait les accusations sur le néocolonialisme politico-économique français en Afrique, sous le vocable de la Françafrique ; et celles sur la déstabilisation programmée des économies africaines par des lobbies prêts à tout pour fructifier leur business.
Il y a bien une vache dorée africaine pour les concessionnaires français !
Il est paradoxal que l’Afrique de l’Ouest refuse les Accords de Partenariat Economique (APE) avec l’Union européenne, et multiplie en même temps les concessions et les Partenariats Public-Privé (PPP) au profit d’entreprises européennes. C’est à cause de la fragilité de leurs économies que les pays africains s’agrippent aux avantages de la convention de Lomé en matière d’échanges avec l’Europe, et refusent l’uniformisation des règles commerciales, promue par le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et l’OMC (L’organisation Mondiale du commerce). Notamment par le refus de la clause de la « nation la plus favorisée ». Alors pourquoi fragiliser davantage les économies africaines par le recours généralisé aux concessions pour la réalisation des grandes infrastructures ?
D’une part les pays africains réclament le maintien des préférences commerciales avec l’Europe. D’autre part, ces pays, qui font partie des moins avancés du système des Nations Unies, promeuvent leur aliénation économique par des investisseurs privés européens. Ce schéma montre clairement que l’intérêt privé des dirigeants africains est en jeu dans l’attribution des concessions à des multinationales comme Bouygues, Vinci, Eiffage, Bolloré Africa Logistics, etc. Ces dirigeants africains savent bien que les clauses, les restrictions et les avantages prévus dans ces contrats créent un déséquilibre contractuel au profit des entreprises étrangères. S’ils ferment leurs yeux sur cette sinécure, c’est parce qu’ils y trouvent un intérêt personnel ; et qu’au final, c’est le pauvre citoyen et le consommateur africain qui sont dépouillés pendant des décennies. Les économies africaines souffrent doublement de ces pratiques. En amont, une nébuleuse lobbyiste peut compromettre le libre jeu de la concurrence dans les appels d’offres, et s’octroyer des marchés par le clientélisme ou la corruption. A l’aval, le pays cédant s’enferme dans une concession pouvant durer 40 ans, en se privant du savoir-faire et des plus-values qu’il pouvait tirer de la réalisation des infrastructures.
Sans être vache, il faut investiguer sur la légalité de la vache dorée africaine offertes aux concessionnaires français.
Avec la mise en examen de Bolloré et de dirigeants de son groupe, la justice française dira si le rôle joué par Havas dans l’élection des présidents Alpha Condé et Faure Gnassingbé, a été déterminant dans l’attribution des concessions portuaires en Guinée et au Togo.
Dans les 46 pays africains où le groupe Bolloré prospère, des enquêtes devraient être menées pour savoir s’il y a eu corruption d’agents publics ; trafic d’influence ; abus de biens sociaux ou abus de confiance pour obtenir des concessions. Les justices guinéennes et togolaises devraient ouvrir le bal en ouvrant des enquêtes, si elles sont indépendantes. Tous les gouvernements africains ayant octroyés des concessions au Groupe Bolloré devraient faciliter les investigations, s’ils ne se reprochent rien. L’opposition et la société civile dans ces pays doivent exiger la transparence sur les concessions octroyées à des multinationales.
L’enquête entamée par la justice française sur le groupe Bolloré pourrait s’intéresser aux conditions d’attributions des concessions dans d’autres pays d’Afrique, comme le Sénégal. Sous le régime du président WADE, le Groupe Bolloré avait perdu la concession du terminal à containers du Port de Dakar, au profit de Dubaï Ports World. Mais huit mois après l’élection de Macky SALL, le terminal roulier dudit port est concédé à Bolloré pour une durée de 25 ans. Y a-t-il eu des manœuvres irrégulières ? Youssou Ndour a-t-il joué un rôle dans l’attribution de cette concession à Bolloré ? Est-ce une récompense à un soutien qu’aurait apporté Bolloré à la campagne présidentielle de Macky SALL ?
Les enquêteurs français pourraient se poser ces questions, qui préoccupent déjà certains sénégalais. Leur enquête pourrait devenir une pieuvre judiciaire aux tentacules susceptibles d’étouffer les vaches dorées des concessionnaires français en Afrique. Une pieuvre qui peut, et devrait en générer d’autres dans les systèmes judiciaires africains. Le cas échéant, les dirigeants africains impliqués dans des micmacs financiers au détriment de la démocratie et de l’économie de leurs pays, seraient dégommés. Wait and see !
Aliou TALL,
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen
(RADUCC)
Pour sa défense, Bolloré brandit l’existence de préjugés sur la corruption en Afrique, dont il serait victime par ricochet. Mais la corruption en Afrique n’est pas un mythe, ni un fantasme exubérant. C’est une réalité. En Afrique de l’Ouest, elle est tellement diffuse dans les mœurs qu’on peut penser qu’elle résulte d’un héritage culturel. Nul besoin d’être curieux ou de jouer au Colombo pour y voir un policier michetonner publiquement un chauffeur qui vient d’enfreindre le code de la route. Il y est normal de solliciter un proche ou un agent de l’Etat pour obtenir des documents administratifs apocryphes, un emploi ou des avantages non mérités. Un guinéen, un sénégalais, un malien ou un ivoirien qui est formaté dans ce système sociétal de corruption, ne se débarrassera pas systématiquement de son cortex corrupteur/corrompu, s’il devenait président de la république ou ministre dans son pays. Avec la pauvreté et le retard économique, la corruption s’est banalisée en Afrique : Elle est devenue une bouée de survie pour ceux qui tirent le diable par la queue et qui sont disposés à piétiner leurs valeurs morales. Elle est un raccourci d’enrichissement illicite pour ceux qui n’ont aucun scrupule à vampiriser un peuple déjà exsangue. Seuls le développement économique, l’émancipation de la population, son niveau d’instruction et d’avertissement sur les enjeux de l’Etat, et une justice indépendante feront reculer la corruption qui gangrène les Etats africains.
Le groupe Bolloré est présumé innocent jusqu’à ce que le contraire soit prouvé. Mais si la procédure judiciaire en cours révélait l’existence d’une corruption des gouvernements africains, ce serait une grave immixtion dans le jeu politique et une perversion de la compétition électorale en Afrique. Cela conforterait les accusations sur le néocolonialisme politico-économique français en Afrique, sous le vocable de la Françafrique ; et celles sur la déstabilisation programmée des économies africaines par des lobbies prêts à tout pour fructifier leur business.
Il y a bien une vache dorée africaine pour les concessionnaires français !
Il est paradoxal que l’Afrique de l’Ouest refuse les Accords de Partenariat Economique (APE) avec l’Union européenne, et multiplie en même temps les concessions et les Partenariats Public-Privé (PPP) au profit d’entreprises européennes. C’est à cause de la fragilité de leurs économies que les pays africains s’agrippent aux avantages de la convention de Lomé en matière d’échanges avec l’Europe, et refusent l’uniformisation des règles commerciales, promue par le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et l’OMC (L’organisation Mondiale du commerce). Notamment par le refus de la clause de la « nation la plus favorisée ». Alors pourquoi fragiliser davantage les économies africaines par le recours généralisé aux concessions pour la réalisation des grandes infrastructures ?
D’une part les pays africains réclament le maintien des préférences commerciales avec l’Europe. D’autre part, ces pays, qui font partie des moins avancés du système des Nations Unies, promeuvent leur aliénation économique par des investisseurs privés européens. Ce schéma montre clairement que l’intérêt privé des dirigeants africains est en jeu dans l’attribution des concessions à des multinationales comme Bouygues, Vinci, Eiffage, Bolloré Africa Logistics, etc. Ces dirigeants africains savent bien que les clauses, les restrictions et les avantages prévus dans ces contrats créent un déséquilibre contractuel au profit des entreprises étrangères. S’ils ferment leurs yeux sur cette sinécure, c’est parce qu’ils y trouvent un intérêt personnel ; et qu’au final, c’est le pauvre citoyen et le consommateur africain qui sont dépouillés pendant des décennies. Les économies africaines souffrent doublement de ces pratiques. En amont, une nébuleuse lobbyiste peut compromettre le libre jeu de la concurrence dans les appels d’offres, et s’octroyer des marchés par le clientélisme ou la corruption. A l’aval, le pays cédant s’enferme dans une concession pouvant durer 40 ans, en se privant du savoir-faire et des plus-values qu’il pouvait tirer de la réalisation des infrastructures.
Sans être vache, il faut investiguer sur la légalité de la vache dorée africaine offertes aux concessionnaires français.
Avec la mise en examen de Bolloré et de dirigeants de son groupe, la justice française dira si le rôle joué par Havas dans l’élection des présidents Alpha Condé et Faure Gnassingbé, a été déterminant dans l’attribution des concessions portuaires en Guinée et au Togo.
Dans les 46 pays africains où le groupe Bolloré prospère, des enquêtes devraient être menées pour savoir s’il y a eu corruption d’agents publics ; trafic d’influence ; abus de biens sociaux ou abus de confiance pour obtenir des concessions. Les justices guinéennes et togolaises devraient ouvrir le bal en ouvrant des enquêtes, si elles sont indépendantes. Tous les gouvernements africains ayant octroyés des concessions au Groupe Bolloré devraient faciliter les investigations, s’ils ne se reprochent rien. L’opposition et la société civile dans ces pays doivent exiger la transparence sur les concessions octroyées à des multinationales.
L’enquête entamée par la justice française sur le groupe Bolloré pourrait s’intéresser aux conditions d’attributions des concessions dans d’autres pays d’Afrique, comme le Sénégal. Sous le régime du président WADE, le Groupe Bolloré avait perdu la concession du terminal à containers du Port de Dakar, au profit de Dubaï Ports World. Mais huit mois après l’élection de Macky SALL, le terminal roulier dudit port est concédé à Bolloré pour une durée de 25 ans. Y a-t-il eu des manœuvres irrégulières ? Youssou Ndour a-t-il joué un rôle dans l’attribution de cette concession à Bolloré ? Est-ce une récompense à un soutien qu’aurait apporté Bolloré à la campagne présidentielle de Macky SALL ?
Les enquêteurs français pourraient se poser ces questions, qui préoccupent déjà certains sénégalais. Leur enquête pourrait devenir une pieuvre judiciaire aux tentacules susceptibles d’étouffer les vaches dorées des concessionnaires français en Afrique. Une pieuvre qui peut, et devrait en générer d’autres dans les systèmes judiciaires africains. Le cas échéant, les dirigeants africains impliqués dans des micmacs financiers au détriment de la démocratie et de l’économie de leurs pays, seraient dégommés. Wait and see !
Aliou TALL,
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen
(RADUCC)
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